Lire, ça sauve pas le monde, mais…

Les bibliothèques scolaires de la CSVDC.

Portrait de l’Escouade des bibliothécaires de la Commission scolaire du Val-des-Cerfs

Par Ariane Régnier

Selon l’enquête du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 42% des adultes québécois âgés entre 25 et 44 ans en 2012 avaient des compétences en lecture de niveau faible ou insuffisant. Par cela, on parle d’individus qui ont de la difficulté à lire une liste d’épicerie, un bail ou la liste des ingrédients d’une recette de cuisine. Cette statistique peut s’expliquer en partie parce qu’il y a moins de livres par maison que dans les autres provinces, et que les gens lisent moins de livres par année. (Desrosiers et al., 2015)

Mais qu’en est-il du côté des enfants? On ne se le cachera pas ; bien que la motivation y soit souvent présente, pour beaucoup d’entre eux, la lecture est difficile à apprendre, et encore plus à aimer.

La lecture c’est pédagogique, un outil pour apprendre cette langue dans laquelle ils devront s’adresser pour se définir, communiquer, exprimer leur opinion, débattre. Lire. Lire pour écrire. Écrire pour changer le monde ou pour le plaisir, un mot à la fois. Et quoi de mieux pour contrer l’apathie, que le rêve? Faire rêver les jeunes, les secouer, les sortir de cette routine dans laquelle ils doivent, jour après jour, apprendre à devenir des adultes, des humains, des travailleurs. C’est un devoir, une obligation… Transformer le tout en quelque chose de positif est un travail ardu, mais pas impossible.

On connait des bibliothécaires s’occupant d’une, de deux, de trente-sept bibliothèques scolaires. On voit des bibliothécaires qui aident les enseignant(e)s, qui forment les élèves aux compétences informationnelles et à l’importance de citer ses sources, de la lecture, de l’apprentissage. On voit des bibliothécaires qui lisent des histoires, qui développent des collections. On voit des bibliothécaires qui, chaque année, doivent requestionner leur approche afin de prendre leur place, celle de s’occuper des bibliothèques afin que les enseignant(e)s et leurs élèves puissent profiter d’une collection attrayante, dynamique et moderne, de livres adaptés à leur besoin et aux exigences du programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ), en plus de leur fournir un environnement physique dans lequel ils aimeront évoluer.

Les bibliothèques scolaires de la CSVDC.

À la CSVDC, on retrouve trois bibliothécaires qui ont axé leurs interventions autour d’un modèle d’accompagnement pédagogique misant sur un service à la clientèle proactif. Superman (Olivier Ménard), Batman (Marc Campeau) et Wonder Woman (Ariane Régnier) se promènent donc dans les 35 écoles primaires et les 7 écoles secondaires afin de faire découvrir le plaisir de lire aux enfants et à leurs enseignant(e)s.

Albert Einstein aurait dit, lors d’une célèbre discussion avec une jeune mère : « Si vous voulez que vos enfants soient intelligents, lisez-leur des contes de fées. Si vous voulez qu’ils soient plus intelligents, lisez-leur plus de contes de fées. » (Winick, 2013) En dehors des histoires, tous les moyens sont bons pour cacher aux enfants qu’on cherche, en fait, à leur faire voir les livres comme des jeux et non un outil d’apprentissage. Nous pensons que la lecture vient d’abord rejoindre le côté émotif des jeunes. Le plaisir de lire, les habitudes de lecture passent donc en premier par l’émotion. La directrice de la bibliothèque Gabrielle-Roy de Québec, Marie Goyette, disait il y a quelques années : « Ce qui est important, ce n’est pas tant le fait de lire que le moment partagé autour d’un livre. C’est ce moment qui peut donner et transmettre le goût de la lecture. » (Bergeron, 2006)

Ce lien affectif, nous cherchons à le créer en nous présentant en classe. Pendant l’année scolaire 2017-2018, les superhéros des livres, c’est plus de 400 animations pédagogiques en classe qui ont comme fondement une abondance de ressources en littérature jeunesse puisée à même les bibliothèques scolaires de la CSVDC.

Les bibliothèques scolaires de la CSVDC.

Le plus souvent possible, nous passons dans la bibliothèque de l’école, ramassons nos coups de cœur, les empruntons sur la carte de l’enseignant(e) et allons présenter les livres en classe. C’est une attention que nous essayons d’avoir à la fin du plus grand nombre d’activités possible, surtout à partir de la 3e année du primaire, alors que la question « Quoi lire? » se faire de plus en plus sentir. C’est pourquoi nous expliquons aux enfants Comment choisir un livre à sa pointure. Lire, mais pourquoi? Pour s’amuser, ou pour apprendre? Fiction, ou documentaire? La plupart des activités se jouent avec des manettes style « buzzer », alors que les élèves (et l’enseignant(e)!) se livrent une bataille sans merci afin d’accumuler le plus de points pour leur équipe. On y voit des mots cachés, des vrais ou faux, des choix de réponses, des rebuts, des cherches et trouve (nos préférés!) et même des extraits sonores.

Nous avons aussi plusieurs implications qui favorisent le développement de la littératie à la Maison des familles de Granby, ainsi que l’aide aux nouveaux arrivants à la Solidarité ethnique régionale de la Yamaska (SERY). Ces diverses collaborations se forment dans une optique de consolidation des partenariats socioculturels qui nous permettent d’intervenir auprès des jeunes qui sont aussi des élèves dans les écoles de la commission scolaire. Nous faisons également de la sensibilisation auprès des adultes lors des ateliers Passe-Partout, activités préparant les enfants de 4 ans et leurs parents à leur arrivée en maternelle. À l’aide de trucs-lecture, d’exemples d’activités à réaliser avec les enfants, de statistiques-chocs, de jeux ludiques et de conseils sur l’importance de la lecture à la maison, nous sommes parvenus, l’an passé, sur 202 réponses des parents à avoir participé aux soirées, à avoir un taux positif de 97,5% à la question « Avez-vous appris des trucs intéressants pour donner le goût de lire à votre enfant lors de la conférence aux parents? » alors que 99% des répondants recommandaient chaleureusement la présentation aux parents des années futures.

Chaque mois, nous envoyons un Info-Biblio, petite revue d’une trentaine de pages qui explique notre travail et nos services, donne des suggestions de lecture et montre ce que nous avons réalisé comme animations dans les classes. À travers un visuel original et éclaté, nous incluons des articles pertinents sur le milieu littéraire jeunesse, des photos de ce que nous avons fait dans les écoles, etc. La chronique des Bibliothèques autour du monde est particulièrement appréciée. Tout cela pour créer un engouement autour de la lecture, une effervescence, un sentiment d’appartenance chez les élèves, les enseignant(e)s et les autres employés de la commission scolaire.

Si la diversification du langage de l’enfant passe par son environnement familial (auto, voiture, automobile, véhicule), une grande partie du travail provient également des acteurs pédagogiques entourant l’élève et son développement. Souvent, en 4e année, les enfants vont croiser des difficultés en lien avec des mots qui, plus complexes, seront une nouvelle source d’efforts à fournir. (Ministère de l’Éducation du Québec, 2003) C’est pourquoi nous proposons des jeux comme les Méli-mélo de mots, activité pendant laquelle les enfants sont invités à découvrir les mots (rébus) qui leur sont présentés à l’écran. Chaque activité pédagogique est modelée en fonction des besoins de la classe, et de l’enseignant(e).

Ce travail collaboratif nous aura permis de centraliser presque entièrement les achats des bibliothèques par les bibliothécaires. En travaillant en étroite collaboration avec les enseignant(e)s, les bénévoles et le personnel des écoles, il nous est possible de développer des collections de qualité et adaptées aux besoins de chacun des milieux que nous fréquentons, et ensuite de faire la promotion de ces ressources incroyables avec des activités ludiques réalisées en classe! Tout cela, grâce au plaisir de travailler ensemble, à la confiance et au respect mutuel.

Les bibliothèques scolaires de la CSVDC.

On nous dit souvent que l’enseignant(e) est responsable d’au moins 75% du travail dans le plaisir d’apprendre, chez ses élèves. Nous pensons que c’est un peu la même chose pour le bibliothécaire et le plaisir de lire : en ayant nous-mêmes une attitude positive, enthousiaste, dynamique, nous est offert l’incroyable possibilité de complémenter le travail des enseignant(e)s mais surtout, d’influencer le parcours et la vision des jeunes face à la lecture.

Tout cela ne serait pas possible sans la confiance et la collaboration des directions, des enseignant(e)s et de patrons qui croient en nous. Ensemble, nous pouvons faire une différence… Un livre à la fois.


Sources

Bergeron, U. (2006). Il était une fois le plaisir de lire. Le Devoir, Repéré à https://www.ledevoir.com/societe/123046/il-etait-une-fois-le-plaisir-de-lire

CSVDC. (2018). Bilan annuel de l’Escouade des bibliothécaires de la CSVDC en 2017-2018. Document inédit.

Desrosiers, H. et al. (2015). Les compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes dans des environnements technologiques: des clefs pour relever les défis du XXIe siècle. Rapport québécois du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), Québec, Institut de la statistique du Québec, 249 p.

Ministère de l’Éducation du Québec. (2003). Les difficultés d’apprentissage à l’école. Cadre de référence pour guider l’intervention, Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation du Québec, Repéré à http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/adaptation-scolaire-services-comp/19-7051.pdf

Provencher, J. (2014). Trucs Lecture, pour transmettre l’amour de la lecture aux petits et aux grands. CARD, Québec, 74 p.

Winick, S. (2013, 18 décembre). Einstein’s folklore [Billet de blogue]. Repéré à https://blogs.loc.gov/folklife/2013/12/einsteins-folklore/


Ariane Régnier

Ariane Régnier est membre de l’Escouade des superhéros des livres et bibliothécaire professionnelle à la Commission scolaire du Val des Cerfs en Montérégie, Québec. Elle détient un baccalauréat en littérature de l’Université de Sherbrooke et une maîtrise en sciences de l’information de l’Université de Montréal. Elle aime entre autres choses frapper ses collègues avec des épées en mousse et lever des poids trop lourds pour elle.